« Blooms » de Heiko Nieder

 

LE SPECTACLE DU JARDIN

“Je veux rendre tout le monde heureux”, dit Heiko Nieder à propos de son restaurant en plein air Blooms. C’est peut-être le plus grand spectacle culinaire proposé par le Swiss Deluxe Hotel The Dolder Grand sur le Zurichberg – surtout parce que l’intégration dans un immense jardin soigneusement entretenu est exceptionnellement belle. “Il est logique de mettre en place une cuisine végétarienne dès le départ”, explique le directeur culinaire de l’établissement. Cela simplifie la vie des cuisiniers et rend les clients heureux, explique-t-il.

 

 

CULTURE ET INSPIRATION 

Le jardin est à la fois un décor naturel et une source d’inspiration. Avant le service, les cuisiniers, sous la direction du sous-chef Robin Briner de Heiko Nieder, parcourent la verdure, cueillent des fleurs, arrachent des herbes ou récoltent des baies et des légumes. “Mais bien sûr, nous ne pouvons pas tout cuisiner avec des ingrédients du jardin, cela ne suffirait pas”, explique Nieder. Alors qu’il n’y a certes pas assez de tomates par exemple, les buissons de shiso ont littéralement “explosé” lors de la première saison passée, raconte le cuisinier aux 19 points. “Nous en avions tellement que nous ne pouvions pas tout traiter”, poursuit Heiko Nieder. Concombres, fraises des bois et de terre, haricots, basilic et d’innombrables autres herbes aromatiques – environ 70 plantes différentes poussent dans le luxueux jardin de la cuisine. Lorsque la récolte d’une herbe ou d’un légume donné est terminée, on en plante un nouveau, et le menu évolue ainsi tout naturellement avec la saison.  ;

 

 

NOUVEAU : PAIN SANS GLUTEN

Pour la deuxième saison, la moitié de la carte a été réécrite, mais certains plats se sont déjà établis comme des classiques. C’est le cas de la salade de tomates et de fraises sucrée-salée, où les piments dans la vinaigrette aux fraises apportent une touche estivale qui convient bien au plat et à la saison chaude. Le pain à base de faines et de tapioca est tout nouveau. Il est sans gluten et repose sur une recette que Heiko Nieder a reçue de sa belle-mère. “Le pain est cuit dans un bocal en verre. Nous ne le faisons pas, mais après avoir fait quelques expériences, nous pouvons faire un très bon pain avec cette recette”, explique Nieder.

 

 

PETITE OASIS 

Le “Blooms” est un projet phare de l’hôtel – et de Heiko Nieder lui-même. Et c’est une idée qui fait plaisir à tout le monde, comme il le dit. Bien qu’il ne permette guère de réaliser de gros bénéfices, ce restaurant de beau temps valorise le “Dolder” en tant que destination alimentaire et crée une bonne ambiance dans l’établissement : auprès des responsables, des cuisiniers et des clients. “La conscience de la beauté de la nature a augmenté chez mes cuisiniers. Tout le monde aime travailler ici, tout le monde aime aller dans le jardin pour y faire des récoltes. C’est notre petite oasis”, dit Heiko Nieder à propos de la fonction du restaurant comme lieu de motivation. Les clients aussi sont “super détendus et ne veulent presque plus se lever”, raconte le chef cuisinier.

 

 

SEULEMENT PAR BEAU TEMPS

D’un point de vue logistique, le restaurant végétalien dans le jardin est un défi pour toutes les personnes concernées, y compris les clients. Si le temps se détériore de manière inattendue, les réservations doivent être annulées par téléphone. Mais tout le monde “réagit avec compréhension”, selon Nieder. La planification du personnel et de la mise en place nécessite également beaucoup de flexibilité, mais Heiko Nieder et une équipe ont développé une routine admirablement détendue pour fournir un service de haute qualité constant non seulement au “The Restaurant” (19 points GaultMillau, 2 étoiles Michelin), mais aussi dans les “restaurants satellites” comme “Blooms” ou dans les concepts pop-up changeants qui ont lieu dans l’ancien bar.

 

 

LÉGER ET TIÈDE

“La première saison dans le jardin s’est étonnamment bien passée et sans accroc”, dit Heiko Nieder en regardant en arrière. Pour la deuxième saison, qui vient de commencer, les 20 à 30 clients qui prennent place ici par une belle soirée peuvent se réjouir de combinaisons telles que le tartare vert avec des courgettes, des concombres et de l’avocat avec une vinaigrette à base de laitue, de piments verts, de basilic et de citron vert. Le chou-rave tiède farci de riz à sushis sous une mousse d’aneth au yuzu et au miso est un plat merveilleusement léger. Et parmi les desserts, le cheesecake à la noix de coco sur un fond de pistache avec des framboises et un sorbet à la framboise reste un best-seller – une sorte de rêve d’une nuit d’été sous la forme d’une part de gâteau et une conclusion évocatrice du menu “Blooms”.

 

Texte : David Schnapp

 

Resto caché au Tessin à découvrir absolument

 

UN CHEF QUI ACCUMULE LES DISTINCTIONS.

Si vous êtes un fan du guide GaultMillau, vous connaissez certainement Federico Palladino. Il cumule en effet les honneurs: «Découverte de l’année» 2022, «Promu de l’année» 2024. Des distinctions à chaque fois méritées, car le chef, installé dans un petit village du Mendrisiotto, est un des grands espoirs de la cuisine tessinoise, et son Cuntitt est incontestablement une adresse où il faut s’arrêter quand on part se promener en Suisse italienne. D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à l’affirmer, puisque le chef a également été distingué par Krug, la fameuse marque de champagne. Le fruit de cette collaboration, c’est un plat exceptionnel, un spaghettone Mancini bio, enrobé de beurre fumé du Gotthard, rehaussé de quelques gouttes de citron et d’un sashimi di orata rosa (daurade), le tout accompagné d’un verre de Krug Edition 171.

 

 

UNE CARBONARA DANS UN ŒUF!

Pour arriver chez Federico Palladino, il faut d’abord se perdre un peu dans les ruelles étroites de Castel San Pietro, jusqu’à l’église Sant’Eusebio, un beau bâtiment du 17e siècle. Grâce à l’autorisation spéciale du curé du village, les clients du restaurant peuvent se garer près du parvis de l’église. L’accueil est chaleureux. Le chef, membre des Grandes Tables de Suisse, commence par des variations sur le maïs, en crème et croquant, suivi par une tartelette au goût puissant, relevée avec des «alici in soar» (anchois), une foccacina au genièvre et pata negra et, petit chef-d’œuvre, un œuf étonnant. En effet, à l’intérieur de la coquille, on découvre tous les composants d’une carbonara, du guanciale jusqu’à la mousse de sbrinz. Grandiose! En plus, l’œuf a été pondu par une poule heureuse, qui caquette dans les vignobles.

 

 

THE PLACE TO B.

Si l’on résume, au Cuntitt, il y a l’accueil chaleureux, les tables en bois, et la cour intérieure enchanteresse, mais cette ambiance d’auberge ne laisse pas vraiment deviner que l’on est ici dans un bastion de la haute gastronomie. Comme le prouve, par exemple, le Kampachi: un crudo di ricciola (sériole), servi avec un bon dosage de jalapeño, de shiso, de concombre, associé à un jus de tomates vertes bien rafraîchissant. Autre exemple, l’Astice: le homard breton est parfaitement rôti, servi avec des asperges de la plaine de Magadino et des morilles. Les pinces sont proposées dans à part, sous une mousse d’asperges aérienne. Mais on peut aussi opter pour des plats plus consistants comme cette épaule de porc tessinois croustillante, accompagnée de céleri en branche, de livèche et rehaussée d’une sauce madère bien réduite, au goût intense. Pour le vin, c’est «kilomètre zéro». En effet, sur la carte, on trouve tous les meilleurs vignerons du Mendrisiotto. Note GaultMillau: 16/20.

 

Texte : Urs Heller

Adam, Roock, Sgier : Battle pour le meilleur jarret de porc

L’idée est née la nuit au bar : Au « Lucide » de Lucerne, trois chefs stars cuisinent pour le meilleur jarret de porc.

 

UNE IDÉE.

C’était une idée qu’Arno Sgier a évoquée lors de la réunion annuelle des Grandes Tables en 2023 : le Grison de Trimbach SO avait vanté son jarret de porc d’Ormalingen comme étant la mesure de toute chose en compagnie de ses collègues. L’esprit de compétition d’Ivo Adam et de Mattias Roock a été éveillé, ils se sont donné rendez-vous pour une « bataille » pour le meilleur jarret (avec une salade de pommes de terre). « J’étais bêtement trop près d’Arno et d’Ivo avec mon gin tonic et je n’ai pas pu me retenir », raconte Mattias Roock. « Je me suis dit qu’il n’était pas possible que deux Suisses se disputent le meilleur jarret ». Pour l’organisation de ce triomphe culinaire, on a ensuite pu se mettre d’accord sur le terrain neutre de Lucerne. « La chef de Lucide, Michèle Meier, s’est proposée.

 

 

RÉVEIL À 6H15.

La « bataille » de jarrets commence dans la cuisine du KKL, d’abord au niveau verbal – la guerre psychologique semble être le moyen du moment. Arno Sgier taquine Mattias Roock et vice versa, bien sûr. Roock, chef exécutif au Swiss Deluxe Hotel Castello del Sole et récompensé par 18 points à la « Locanda Barbarossa », s’est levé à 6h15 ce dimanche. « J’ai déjà légèrement précuit les jarrets de cochon de lait, car je ne savais pas si le temps le permettrait », dit-il. Sa méthode est classique, dit-il, la viande est cuite dans le fond et ensuite cuite jusqu’à ce qu’elle soit croustillante. Arno Sgier, quant à lui, prépare sa viande sous vide : « Elle cuit pendant environ 36 heures et est seulement salée, poivrée et saisie avant », explique le chef aux 17 points. A la fin, les morceaux sont cuits dans de l’huile chaude jusqu’à ce qu’ils soient croustillants.

 

VINAIGRE ET BEURRE NOISETTE.

Ivo Adam arrive à Lucerne avec un peu de retard bernois, mais il est bien préparé. Il a d’abord mariné ses jarrets de cochon de lait chez lui, puis les a également précuits sous vide à 65 degrés. Ils sont ensuite marinés avec du vinaigre, puis séchés au réfrigérateur avant d’être cuits au four et sous le gril. « Le séchage rend la peau croustillante et le vinaigre neutralise l’arôme de porc trop intense qui se trouve dans la peau », explique-t-il. Pour finir, la viande est glacée avec un peu de beurre noisette, « ce qui rend la peau encore un peu plus croustillante », estime Adam. Mais la qualité du produit est également décisive : « J’ai acheté la viande chez mon bon ami Roger Bigler de Meat & More dans le Seeland.

 

LE NUMÉRO TROIS M’A FAIT PERDRE LA TÊTE.

Le résultat est évalué par un jury composé de personnalités : Christian Gujan, chef du « Glou Glou » (GaultMillau POP de l’année), Moritz Stiefel du « Hopfenkranz » (15 points), Bernadette Lisibach (17 points au « Neue Blumenau » à Lömmenschwil) ou la sœur de Michèle Meier, Pascale, qui travaille également dans la restauration et a fait son apprentissage de cuisinière chez le légendaire Nik Gygax au « Löwen » à Thörigen, sont assis devant la feuille de notes. Le goût, l’apparence, la tendreté et le croustillant sont évalués avec des notes allant de 1 à 10. « Le numéro trois m’a fait tomber », dit Moritz Stiefel peu après la dégustation. Pour Bernadette Lisibach, « le goût et la tendreté » sont les critères les plus importants. « On a bien remarqué dans les trois exemples à quel point l’utilisation des épices est différente », résume la cuisinière de l’année 2015.

 

 

ET LE JARRET D’OR EST…

Le jarret d’or revient finalement clairement à Ivo Adam avec 291 points, Mattias Roock et Arno Sgier sont presque à égalité derrière avec 265 et 263,7 points. « C’est la première fois que je prépare un jarret de porc », affirme le vainqueur après coup. Il s’est inscrit au concours dans un élan d’exubérance. « Les années précédentes, j’avais toujours des cuisiniers qui réalisaient mes plats. Maintenant, je devais à nouveau m’y mettre moi-même”, dit Adam. Pour Arno Sgier, qui sert son jarret depuis des années au « Traube » à Trimbach, le résultat est correct. « Mes clients adorent ce plat, et moi aussi je préfère manger le jarret comme ça », dit-il. Plus tard, lors de la tavolata familiale, à laquelle Mattias Roock ajoute, en plus de son jarret, de la moutarde Bautzner moyennement épicée de son pays, on discute déjà du prochain thème du concours. On ne sait pas encore s’il s’agira de la tarte Tatin dont nous avons parlé. La décision sera probablement prise à la prochaine occasion, tard dans la soirée, au bar.

 

Guy Ravet et Lucrèce Lacchio brillent à l’EHL

Les deux chefs ont sorti le grand jeu pour une soirée d’exception à l’École Hôtelière de Lausanne.

 

SIX PLATS, SIX VINS.

À la fin du repas, tous les convives étaient à la fois heureux et repus. En effet, ils venaient de participer à un dîner mémorable, préparé par deux cuisiniers d’exception. D’une part, la cheffe du Berceau des Sens, le restaurant de l’École Hôtelière de Lausanne (EHL), Lucrèce Lacchio, qui officiait auparavant au Flacon, à Carouge, où elle avait obtenu 15/20. De l’autre, Guy Ravet, qu’on ne présente plus, chef du restaurant Émotions, au Swiss Deluxe Hotel du Lac à Vevey, avec 17/20. Tous deux ont été aidés par le sommelier Marc-Henri Mialon, qui a sélectionné six des plus beaux vins de la région pour accompagner le menu, certains étant même issus de vignobles que l’on peut voir depuis le restaurant. Un trio accompagné dans sa tâche par 15 personnes en cuisine, sans compter la plonge, et autant au service. Il n’y plus a guère que des institutions comme l’EHL qui peuvent se permettre le luxe de déployer une telle brigade pour seulement 44 couverts!

 

 

DES AMUSE-BOUCHE D’ANTHOLOGIE. 

Juste avant l’arrivée des invités, les deux chefs semblaient remarquablement détendus. Rien de surprenant, d’ailleurs: ils maîtrisent. Ce que l’on a pu constater dès les amuse-bouche. D’abord des petits chaussons croustillants remplis de champignons et de noisettes, suivis par de délicieux sandwiches fourrés à la queue de bœuf et à la cerise. Puis des gougères au gruyère citronné. Et, enfin, une terrine de foie gras de canard, dans une sphère de figues rouges, qui rappelle le logo d’UBS, qui a organisé la soirée. «Ce n’était pas voulu», sourit Guy Ravet.

 

GUY RAVET JOUE AVEC LES ARÔMES.

Guy Ravet, qui est aussi président des Grandes Tables Suisse, propose ensuite sa première entrée. Elle joue avec subtilité sur les arômes: un carpaccio de Saint-Jacques, accompagné d’une mousse de yaourt légèrement acidulée, d’un jus de betterave rouge terreux et de cubes de fenouil-kimchi délicatement épicés. Un plat parfaitement complété par un Chenin Blanc «Salix» du Domaine Louis Bovard, toujours aussi étonnant.

 

LUCRÈCE LACCHIO ASSOCIE POISSON ET FRAISE. 

Lucrèce Lacchio prend la suite, avec une deuxième entrée, qui combine avec talent poisson et fraises. Les filets de maigre ont d’abord été mis à mariner pendant une heure dans du sel et du sucre, puis cuits sous vide à 43 degrés, puis finement tranchés, avant d’être flambés, ce qui leur donne un goût très particulier, très agréable. Le maigre est accompagné par des petits pois croquants, un peu de crème de menthe, et des fraises! Au final, une assiette très colorée, mais aussi très raffinée. Quand on met tous les ingrédients en bouche, d’une seule fois, on a l’impression de croquer un morceau de printemps.

 

 

MOUSSE D’AVOINE ET CAFÉ PÉRUVIEN.

Guy Ravet poursuit sur la lancée, toujours étonnant, avec son plat principal. Qui parvient à marier des agnolotti fourrés à la ricotta de mouton et à la bergamote, avec une mousse d’avoine et de café péruvien. Le plus étonnant, c’est que ça marche!  Pour suivre, Lucrèce Lacchio a proposé une poitrine de pigeon parfaitement rose, qu’elle dresse avec des chips et une crème d’artichaut. Avec, pour lui donner un peu de punch aromatique, des petites billes de pommes vertes et quelques gouttes d’huile aromatisée à l’ail des ours. Sans oublier, en complément, une boule frite qui cache un effiloché de pigeon.

 

 

FROMAGE ET GLACE SALÉE.

Le service, remarquable, fait virevolter les verres et les assiettes. Et voici que l’on nous verse un vin blanc doux, le Quentus 2021 du Domaine des Frères Dubois. Il va accompagner le prochain plat de Guy Ravet, un fromage frais de brebis, rehaussé d’herbes, servi avec de la glace à l’oseille et du pollen de fleurs. Encore une brillante réussite, qui mélange à la fois l’acidité, la douceur, l’amertume et le salé, le tout dans un bel équilibre. De quoi ouvrir les papilles pour le dernier plat de la soirée, le dessert, préparé par Lucrèce Lacchio et son chef pâtissier Marc Turcas. Un dessert qui va se décliner autour du chocolat noir et de la betterave, dans différentes textures. Pour l’accompagner, Marc-Henri Mialon, le sommelier, a proposé un Gamar’one, un gamaret sombre et puissant, qui ressemble à un Amarone. Avec un goût qui magnifie le plat, et une couleur qui rappelle celle de la betterave que l’on retrouve dans le dessert. «Dans 90% des cas, si les couleurs du vin et du plat s’accordent, les goûts s’accorderont aussi», assure, sans rire, le sommelier.